La fenêtre de mon bureau surplombe la cour arrière d'un cloître. Un magnifique et gigantesque jardin planté d'arbres fruitiers parfaits, entretenu absolument sans faille. Un terrain d'environ 200 acres avec des serres, un petit cimetière, des arbres taillés... Le tout au centre d'une ville.
Il reste 22 nones dans ce cloître. La plus jeune a environ 35 ans et est originaire d'Haïti. Les autres, blanches, sont plus âgées (on dit que la doyenne a plus de 90 ans). Elles portent le "costume". Elles sont voilées.
Je les vois à longueur de journée, vaquer à leurs occupations, mettre les plants en pots, au travers des parois de la serre, là, juste en bas. Elles se promènent sur des petits tracteurs à gazon, ont des jardiniers, des ouvriers... Ce sont des nones cloîtrées, dans la cour arrière du monastère où elles habitent depuis le... choix.
De ce monastère, certaines ne sont pas totalement cloîtrées. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce par choix? Par impureté? Par désaveu? Je ne connais rien aux règles d'un cloître. Mais ce sont elles qui sortent pour les emplettes et les achats.
Curieusement, depuis des lustres, lorsqu'elles sortent, elles revêtent d'austères petits ensembles gris. Jupe grise, blouse blanche, veste grise. Elles n'ont pas la tête couverte, ne sont pas maquillées, tout juste peignées. Elles ne sourient pas beaucoup, parlent peu aux gens, juste pour l'essentiel. Elles ne font qu'aller et venir, souvent chargées de paquets.
Quand on les voit, on a l'impression qu'elles sont pauvres. Quand on surplombe le grand jardin arrière, on comprend que non. Elles ont fait voeu de pauvreté individuelle mais la communauté n'est pas pauvre. Vous devriez voir l'immeuble et la beauté des jardins. En fait, elles sont bien loin des tracas de la vie des gens ordinaires...
Elles sont des moniales, elles vivent voilées, elles vouent leur vie à un dogme. Pourtant, celles qui sortent se dévoilent et semblent avoir le "droit" d'être. En plus des voeux de pauvreté, de chasteté et de dévouement à leur culte, auraient-elles aussi fait le voeu de politesse envers le "reste du monde"?
Simple question que je me pose.
samedi 27 mars 2010
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19 commentaires:
"Simple question" peut-être mais combien intéressante... politesse et-ou ouverture aussi face à autrui
J'ai déjà travaillé avec une certaine Hélène... Elle avait été missionnaire en Afrique de longues années, était sortie de sa communauté puis, parce qu'elle avait fait des études en travail social, travaillait au même ministère que moi. Elle ne s'habituait pas à notre vie trépidante, à plein de choses de notre société... Elle avait beaucoup de difficulté dans ses relations interpersonnelles, j'étais la seule du bureau à la considérer, à lui parler.
Un jour, elle nous a annoncé qu'elle quittait tout, son job, sa maison, sa vie. Elle entrait chez les cloîtrées, les Servantes de Jésus Marie à Hull (aujourd'hui Gatineau). Pour moi, c'était un suicide. J'ai respecté sa décision, à la limite, je pouvais comprendre son désir de se retirer du monde, elle n'était pas armée du tout pour vivre dans notre société.
À l'été 2008, sur le boulevard Laurier à Hull, je séjournais dans un bed and breakfast. En marchant vers le Musée de la Civilisation, je suis passée devant une bâtisse et des jardins magnifiques : Les Servantes de Jésus Marie. J'ai pensé à Hélène. J'ai hésité un peu. J'ai passé mon chemin. Hélène a mis fin à sa vie le jour où elle est allée vivre là. J'ai encore respecté son choix.
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Est-ce que ces femmes voilées qui vivent recluses sont plus respectueuses des coutumes de notre société? Dans leur choix, il y a un retrait du monde mais je n'ai jamais senti chez elles une volonté d'établir une vérité, un pouvoir sur les autres.
Elles sont un mystère pour moi, plus encore après avoir côtoyé Hélène.
J'appuie totalement Zoreilles en ce qui a trait au mystère qui entoure ces femmes, ces épouses de Dieu...
J'ai été pensionnaire pendant 3 ans et leurs voiles, leur austérité, leur déni de la société qui les entoure m'ont marquée à tout jamais, parce qu'à mon humble avis, on craint toujours ce qu'on ne comprend pas...
Peut-être est-ce une manière de dire "Voilà, je rends les armes, ici rien ne peut m'atteindre!" Peut-être qu'elles se sentent protégées, à l'abri d'une société qui devient de plus en plus étouffante, contraignante, et incompréhensible en effet...
Bonne semaine Gérard!
Zed a tout dit:
Les cloitrées vivent dans un autre monde mais ne tentent pas d'imposer leur vue au reste de la planète. Ça change pas mal de choses.
Il faut aund même savoir que dans le passé, tout le monde n'était pas volontaire chez les cloîtrées, c'était tantôt une pénitence, tantôt une façon de se débarrasser des têtes fortes, des orphelines aussi, une sorte d'école de réforme.
De plus, derrière ces murailles et ces magnifiques jardins, il y a autre chose qu'on ne voit pas. Le contrôle y est total car il n'y a aucune intervention extérieure, aucune influence extérieure. Que s'y passe-t-il? Pourquoi le cloître? Chose certaine, on ne prépare personne au monde extérieur, on les rend TOTALEMENT dépendant. SI jamais elles sortent, elles se sentent aussi démunies que certains prisoniers ayant passé leur vie en prison.
Se coupe-t-on de la société ou veut-on couper la société de leur repère?
Enfant, j'ai eu l'occasion de travailler sur une ferme appartenant à un monastère de soeurs (je ne me souviens plus lesquelles. Elles n'étaient pas cloîtrées mais c'était tout comme. J'étais étonné de la brutalité toute naturelle de certaines. Fallait les voir tuer le cochon ou décider de certaines choses, rien de très démocrate. Elles parlaient peu et si certaines semblaient gentilles, d'autres portaient en elles une rage contenue, ça se sentait, plusieurs étaient craintes. Ça se chamaillait pour des babioles, pour le plus gros morceau de tarte!
Accent Grave
J'ai été pensionnaire chez les soeurs et je comprend très bien Accent Grave.
Je pense essayer une "entrée" dans ce cloître... Peut-être aurai-je le droit d'en entendre parler davantage. Je verrai à ça. C'est tut de même fascinant cet ascétisme et surtout les raisons qui amènent ces personnes à y adhérer.
Récemment, je suis allé (par affaires) au monastère des moines à St-Jean-de-Matha et c'était assez bizarre comme ambiance. Je dirais qu'il y avait là quelque chose d'attirant. Je ne sais quoi.
@ Accent Grave : Vous m'avez encore confondue avec Zed, j'en suis honorée mais elle ne le serait sûrement pas, comptez-vous chanceux cette fois!
@ Gérard : Il y avait là quelque chose d'attirant, dis-tu? Sais-tu à quoi j'ai pensé? Tu sais quand j'en peux plus, que je me sauve dans le bois, jouer à l'ermite pour quelques jours? Le silence, la paix, l'absence de contraintes, de course folle, d'horaires, d'obligations, que de la simplicité, une sorte de recueillement qui n'a rien à voir (ou peut-être mais si peu) avec la spiritualité, un no man's land, une bulle de verre, un paradis perdu, une île déserte où se réfugier, une réflexion profonde et personnelle, etc.
Ça pourrait attirer n'importe qui. Enfin, ce bout-là, moi, je peux le comprendre. Pour quelques jours, du moins...
@Zoreilles
BINGO !!!
@Zoreilles
Je veux dire pour la réponse à Gérard.
@ Lise
T'es imbattable, toi... Je t'aime!
Désolé Zoreilles,
Je ne confonds pas vos deux personnes, seuleument vos «Z»!
Je sais, ça reste impardonable!
Accent Grave
Du moment que tu ne confonds pas les points G, Accent, je suppose que ça va... ;)
Tu dois travailler dans une place bizarre Gérard!
;o)
Heille, chicanez-vous pas, vous autres là...
Votre question, "En plus des voeux de pauvreté, de chasteté et de dévouement à leur culte, auraient-elles aussi fait le voeu de politesse envers le reste du monde?" est intéressante.
Selon cet article,
http://www.nytimes.com/2009/07/09/health/09sisters.html, elles ont fait le voeu de grâce à la vie et à la mort. Combien de nous pouvons vivre et mourir comme elles le font ?
La politesse, à mon avis, fait partie à notre monde. C'est un voile voire un cache-sexe qui couvre notre banalité. La grâce, le calme, la tranquillité font partie à leur monde.
Mais, où es-tu passé Gérard? Il y a belle lurette qu'on ne t'a pas lu! :-0
Ben oui, Gérard...T'es où?
T'es pas rentré au couvent, hein?
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