mercredi 16 décembre 2009

Aller voir ailleurs si j’y suis (3)

...Le lendemain matin, levé tôt, remise en forme à l’eau fraîche… Une fois remonté à l’étage, on prépare le déjeuner. Je passe près du chien que je n’avais pas remarqué la veille. Il me fait une fête, mon odeur ne le dérange pas, c’est bon signe. J’ai dormi comme un Loire et je me sens prêt à retourner apprivoiser ce pays que je visite pour la première fois…

Guillermo et Elvira sont levés, les filles dorment encore. Ça commence à sentir le café… Guillermo sort un plat de jambon, un plat de fromage et prépare des petits pains grillés. Le café est remarquablement savoureux même si très sucré. Et là-dessus, on n’a pas vraiment le choix car la pratique est de sucrer l’eau directement avant même que le café n’infuse. Ceci dit, au bout de quelques jours, ce goût sucré et réconfortant vient à nous manquer et à faire partie du « goût de la place ».

Après le petit déjeuner, Guillermo m’explique comment il attrape les poules qui sont très nombreuses dans la forêt. Derrière la maison, pas très loin du balcon, il y a une cage sans fond… Un simple bâton auquel est attaché une corde qui se rend jusqu’au balcon est placé de façon à soulever la cage d’un côté. Une bonne poignée de maïs sous la cage sert d’appât et on attend simplement, sur le balcon qu’une poule dodue s’y présente. Une fois la poule sous la cage, on tire la corde et c’est tout. On laisse le tout ainsi et la gouvernante s’occupe du reste! À mon sens, c’est vraiment ça « consommer local » et manger frais!

Puis, vient le temps du départ… Début de la journée, on se rend à la Ferretaria ( la quincaillerie de Jarabacoa) où chaque matin, Guillermo se rend pour vérifier ses commandes et s’assurer que tout le nécessaire se rendra vers les divers chantiers qu’il supervise. J’y accompagne Guillermo à chaque matin et, vers la fin de mon voyage, le propriétaire dont j’ai malheureusement oublié le nom me dit que si j’ai le goût de vivre à Jarabacoa, un job m’y attend (ce qui ne se fera jamais cependant). Dans la cour arrière de la Ferretaria, il y a beaucoup de bruit…

Curieux, je m’y rend. Deux jeunes hommes s’y affairent autour d’une bizarre de machine sortie d’un autre temps. Ils y versent du sable, du gravier et du ciment en alternance. Le tout, alimenté d’eau, brasse pour en faire un mélange parfait. À l’autre bout de la machine, le mélange est prêt et le tout est soigneusement mis en moule. Les moules sont ensuite placés un peu à l’écart pendant que le manège recommence. Puis, au bout de quelques minutes, les deux hommes retournent vers les moules prêts et ils déplacent le tout vers la cour où ils démoulent des blocs de ciment qui sécheront au soleil pendant quelques jours. C’est ainsi que, six par six, les blocs de ciment qui serviront à bâtir les maisons sont fabriqués à la main! On est loin de nos usines mécanisées… La journée vient à peine de commencer et il doit bien y avoir deux ou trois-cents blocs qui durcissent déjà dans la cour sableuse. Les blocs de la veille sont déjà gris tandis que ceux du matin sont bruns sombres… C’est un travail difficile et exigeant mais les deux hommes semblent heureux de le faire, chantent et rient.

Nous nous rendons par la suite sur un chantier, un peu à l’extérieur de la ville où des hommes travaillent à bâtir une petite rue. Le tout se fait à la main, plaçant soigneusement des roches, cimentant ces dernières, une à une. Bien que je m’y rende presque tous les jours et la rue n’ayant, au plus, que 300 mètres, je ne verrai jamais la fin du chantier pendant mon voyage… C’est ainsi à Jarabacoa, le lieu de l’éternel printemps…

***

Par une très chaude et très humide journée, nous devions nous rendre à La Vega, au garage, pour faire effectuer une réparation sur la voiture. Guillermo considérait que la climatisation ne fonctionnait pas adéquatement. Une fois arrivés là-bas, il va prendre quelques arrangements avec le mécano, il m’invite à m’asseoir, tout près, sous un toit de tôle. Ça prendrait quelques minutes… Il faisait vraiment chaud et les bouteilles d’eau se succédaient…

Deux heures plus tard, Guillermo, impatient, allait de plus en plus souvent s’enquérir de la situation auprès du garagiste… Nous étions pourtant habitués d’attendre et cette impatience de Guillermo m’intriguait… Finalement, dans un excès de lassitude, Guillermo convient avec le garagiste d’un autre rendez-vous, quelques temps plus tard… Tout de même curieux d’avoir attendu si longtemps pour finalement prendre un rendez-vous à une date ultérieure, mais bon…

Nous sommes embarqués et Guillermo reprit simplement la route des montagnes. Guillermo reprit sa bonne humeur et il a remit la cassette du « Tour de l’Île » de Félix Leclerc qu’il écoutait très souvent. En fait, il écoutait souvent Félix et aussi la cassette de Leo Suarez, son ami ui habitait Jarabacoa et qui maîtrisait l’art de la Bachata qui, aux côtés du Merengue, est la musique Dominicaine par excellence. D’ailleurs, peu avant mon départ pour le retour, Guillermo m’avait organisé une fiesta où j’ai eu la chance de jouer avec Leo et son groupe, j’y reviendrai…

Cet après-midi bizarre m’interrogeait toujours. Pourquoi donc avoir attendu si longtemps pour revenir bredouille au point de départ…

Avec hâte, Guillermo prend le chemin de la maison et nous y entrons précipitamment. Il est environ 16h00. Avec hâte, il entre dans sa chambre et m’y entraîne; c’est là que trône le téléviseur. Il allume le poste et…C’est le dernier match de foot entre l’Argentine et l’Angleterre! Le gagnant ira en quart de finale! C’était donc ça! Un match de foot! Je ne suis pas vraiment familier de ce sport, mais je me rend bien compte qu’il s’agit de quelque chose de très important et que notre amour de la « Sainte-Flanelle » n’a rien de bien excitant. Nous sommes presque à la fin du match et les deux équipes sont ex æquo. Une dizaine de minutes s’écoulent et ce qui devait arriver arriva : panne électrique. Sans attendre une minute, pestant et rageant contre la compagnie d’électricité, Guillermo m’entraîne à toute vitesse à l’extérieur, nous embarquons dans la Ford Fiesta et nous prenons le chemin de la ville…

Nous arrivons à une intersection que je ne connais pas. Il semble y avoir embouteillage! En fait, la rue est un vaste stationnement de voitures, de scooters, de bicyclettes et de motos tous genres laissés là, en plan, anarchiquement, en plein milieu du chemin. Guillermo fait de même avec la Fiesta, arrête le moteur et nous partons à pieds. Nous entrons dans ce qui semble être un café, quelques dizaines de mètres plus loin. Au moins cent personnes y sont agglutinées. Trois postes de télévision sont suspendus au plafond et la foule est fébrile. En fait, nous nous retrouvons dans un salon de paris. Les gens se rendent au guichet, misent, reçoivent un ticket et regardent la partie. L’établissement est fourni en électricité par une génératrice. C’est le seul endroit où il est possible, à ce moment, d’écouter le match!

Bien malgré moi, l’ambiance me gagne, l’odeur forte de sueur et de tabac parvient à m’électriser… Tirs de barrage… L’Angleterre s’exécute… Et compte!!! Je crie, je hurle, emporté, enthousiaste, comme fou… Mon enthousiasme a tout un effet! Autour de moi, tout le monde se retourne et me regarde, silencieux! Il devait bien y avoir 40 paires d’yeux qui me fixaient… Je cesse ma manifestation, mal à l’aise… Peut-être que le moment était trop grave pour s’emporter? Guillermo, solennellement, m’entraîne un peu à l’écart et me mentionne à l’oreille que… L’équipe favorite, c’est l’Argentine et non pas l’Angleterre! S’ensuit un bref rappel historique de l’épisode des Îles Falklands avec un point de vue qui m'était inconnu… Quel imbécile j’ai fait de moi en cette fin d’après-midi à Jarabacoa! Mais tout s’est bien terminé, l’Argentine l’avait emporté… Vite, une cerveza!!! C’était urgent!

***

Nous sommes rentrés à la maison, fatigués et accablés par la chaleur au son de Félix «…Le tour de l'île, quarante-deux milles, comme des vagues, les montagnes, les fruits sont mûrs, dans les vergers , de mon pays … » Le repas était en préparation, Elvira arriverait bientôt de même que les enfants.

C’est ainsi que les journées se succédaient pour moi en République Dominicaine. Malgré la nostalgie des choses et des circonstances laissées ici, je m’imprégnais vraiment de ce pays que je découvrais sous diverses facettes. Des paysages beaux à couper le souffle, des montagnes vertes comme il n’y en a pas, un peuple bigarré, attachant, entier, intolérant, travaillant, aimant. Toute la richesse du monde réunie pour moi, pour moi seul, là-haut, dans la Cordilière centrale de République Dominicaine… À suivre pour la fin…

11 commentaires:

Claire a dit…

J'adore lire ces moments de vie...
Le café sucré, la fabrication des blocs de ciment, et surtout, le match de foot! Ca m'a fait sourire...partageant ma vie avec un footeux, je peux imaginer ton malaise face à cette bévue. Moi, je prends souvent pour l'équipe adversaire: ça dépend de la couleur du chandail!
;o)

J'ai hâte au chapitre 3...

J'en profite pour te souhaiter beaucoup de bonheur et de très belles Fêtes de Noël!

Merci pour tes belles histoires...

Claire a dit…

Oups!
chapitre 4, je voulais dire...
Pardon...

Barbe blanche a dit…

Je vient d'atterrir, je revient de République Dominicaine. J'ai entrepris ce voyage sans même m'en douter, je commence à lire le chapitre 1 et je ne paux plus m'arrêter, suivent le deux, le trois et ce n'est qu'a la dernière ligne que finalement j'atterri à Gaspé. Tout un périple, les odeurs, les sons, le climat, l'amitié tout y est,impossible d'y échappé, impossible d'en sortir avant la fin qui je l'espère sera servi très bientôt.
Bon maintenant, je vais terminer mes blocs de ciment.

Barbe blanche a dit…

je ne peux (paux)ce n'est pas la même chause...

Zoreilles a dit…

Ah quel délice... Je voudrais que ce voyage ne s'arrête jamais. Je me répète, j'aime comment tu racontes la vie, les gens, le monde.

Tu nous fais un beau cadeau de Noël. Merci.

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Te lire est un passe-temps absolument divin, Gérard, et à l'instar de nos belles amies Claire et Zoreilles, j'adore ton indéniable talent de grand raconteur et te remercie du fond du coeur pour ce magnifique cadeau que tu nous offres en cette saison que tu as rendu encore plus magique. Moi aussi, j'ai hâte de lire le prochain chapitre, tout en étant un peu triste qu'il s'agisse du dernier...
Joyeuses fêtes à toi et à toute ta famille, cher Gérard!

Gérard Day a dit…

Claire: Ouais! J'ai eu vraiment l'air fou lors de la partie de foot... La prochaine fois, je fermerai ma... C'est le genre de choses qu'on apprend en voyage: ne pas trop parler! :-)

Barbe blanche: Continues... J'ai besoin de 400 blocs de béton en mai! Courage!

Zoreilles: naturellement, je dois "trier" parmis tous ces souvenirs, il y en a tellement...

Rosie: Je suis bien content que tu reçoives mon petit cadeau des fêtes avant autant de joie!

Tous: merci pour vos commentaires et aussi merci d'avoir pris le temps de voyager avec moi! C'est vraiment gentil!

Dominique- L a dit…

Me voilà pour lire la suite... ;-)
Je me souviens avoir vu en République Dominicaine des ouvriers poser des dalles en béton sans s'arrêter, sous un soleil de plomb pour un salaire de misère. Cette image m'a beaucoup marquée.

Gérard..........Supporter les footballeurs anglais quand on est en R.D. Rrrrrr ! Faut le faire ! J'imagine la tête des fanatiques de l'Argentine. (Rires) Non seulement j'imagine, mais je crois les voir au travers de ton périple si bien conté.
Il est vrai que les paysages et les couleurs de cette région du monde sont superbes et les gens chaleureux. Je pense pouvoir lire la fin de ton histoire vécue, en attendant merci pour cette belle tranche de vie. Bon temps des fêtes et à bientôt. Do

Anonyme a dit…

Ça fait du bien d'entendre de vrais récits de voyages et non pas ces banals clichés d'amateurs de «tout inclus»!

Accent Grave

Lise a dit…

J'ai relu ces trois derniers billets, et n'osais pas commenter, de crainte de dire une niaiserie, car je suis totalement dépaysée. Quelle belle écriture! Et quel talent de conteur! Des textes pleins d'émotion, de nostalgie et la chute finale concernant le match de football, c'était du grand art! On imagine très bien la scène, et pourtant je ne suis pas sportive du tout.

Bon dimanche Gérard!

Gérard Day a dit…

Do: La scène de la partie de foot fait très certainement partie de mes moments les plus cocasses, à vie...

Ces situations sont tellement pleines d'enseignement qu'il importe de ne pas les oublier et de s'en servir pour continuer à "se construire"...

J'essaie de publier le dernier chapitre rapidement pour que tu puisses le lire... Merci pour tes voeux, c'est réciproque...

Accent Grave: Merci! Le pire c'est que lorsque je vais en "tout inclus" il m'arrive presque autant de belles histoires... C'est comme si j'avais le don de "sortir des sentiers battus"... Je ne sais trop ce que j'ai, mais les gens viennent facilement vers moi, ce qui donne lieu à toutes sortes de situations, parfois loufoques...

Lise: Quel plaisir de te revoir ici et de savoir que tu aime mon petit récit... Ça me fait très plaisir.

Parfois, dans les contes des autres, on se retrouve aussi, soi-même...

Tous: Il me semble que la "barre est haute" pour l'écriture du dernier chapitre... Mais bon... :-)