samedi 23 janvier 2010

Des affaires qu'on entend de même...

Entendu hier midi, à la table d'à côté, au resto:

-"Tsé, à Haïti, même si on leur envoyait de la moulée pour les chats, ça pourrait les aider..."

-"On pourrait même leur envoyer le chat, ça serait pas pire aussi..."

Ici, nous sommes des nantis. On paye pour la moulée des chats et des chiens. Ils sont presque aussi importants que les humains eux-mêmes. À Haïti, en ce moment, les gens n'ont rien d'autre que l'aide internationale qui tente de s'organiser. On compte les morts, on enterre, on erre. On bouffe ce qui traîne ça et là. On n'a pas d'eau, on crève.

Ici, on s'achète des chips, on bouffe du McDo, on paye pour des limes à ongles, pour des babioles au Dollarama... Tout ça me donne vraiment la nausée.

7 commentaires:

Zoreilles a dit…

Bon, je vois qu'on est dans le même état d'esprit... Qu'est-ce qui nous arrive?

Ce soir, je m'en vais cinéma, il faut que je fasse quelque chose. Je ne renchérirai pas sur ton billet, j'en aurais pour des pages et des pages et je te rachèverais... Mais je voulais te dire que t'es pas tout seul.

Zoreilles a dit…

J'ai pitonné trop vite, j'avais pas fini, je voulais ajouter...

Mouéssi mouéssi, comme diraient les têtes à claques, « mes blues passent pu dans'a porte », on semble être très représentatifs de la blogosphère en ce moment. C'est tu ce qui arrive à Haïti qui nous « shake » de même?

Gérard Day a dit…

Je l'sais pas Zoreilles, je l'sais pas. Si seulement je le savais...

Je suis à "I Pod zéro".

Anonyme a dit…

Face à tant de contrastes, tout perd son sens. Nous vivons des réalités tellement différentes et là, nous l'avons dans la face.

Ce qui me désole un peu, c'est que ces contrastes existaient avant le tremblement de terre et ils existent ailleurs, nous n'en faisions pas grand cas. Dans combien de pays on vend ou kidnapent des enfants pour leurs organes? En Amérique Centrale, j'ai eu connaissance de parents qui coupaient un bras ou une jambe à leur jeune enfant pour obtenir plus d'argent quand ils quêtaient.

Ce sont des réalités mais lorsqu'elles ne font pas la Une, on s'occupe de notre quotidien. On refuse de voir ça. Je pense à tous ces gens qui se paient des «tout compris» et qui s'imaginent connaîtrent les pays où ils vont alors qu'ils n'en n'est rien. Inutile de discutter de ces choses avec eux, j'écoute leurs récits concernant leur séjour d'une semaine, de la bouffe qu'ils avalaient et de la couleur du sable de la plage en faisant semblant de les envier. Je comprends tout de même le plaisir qu'ils ressentent, ma définition des choses justes et bonnes ne vaut pas plus que la leur.

Dans une certaine mesure cette réaction est normale, autrement la vie ne serait pas supportable. Et puis, quand vous êtes sur place, c'est différend.

les gens n'ont pas la même définition du bonheur. Toutes ces choses matérielles qui nous obsèdent ont une importance bien relative. Les enfants, malgré leur situation que nous considérons horrible, sourient, ils se construisent un «bonheur» tout aussi valable que le nôtre. Dans les pays pauvres, les sourires sont courants.

Ce tremblement de terre dépasse ce niveau, l'horreur est partout, à cause des morts, à cause des familles brisées mais d'autres horreurs, celles qui se sont établies progressivement, existent partout, à Haïti depuis toujours tout comme ailleurs.

Il faut être prudent sur une chose: celle de définir ce qu'il faut pour être heureux. Nous ne sommes pas dépositaires du bonheur, après tout, ici même, le taux de suicide est un des plus élevé au Monde!

Accent Grave

Zoreilles a dit…

Gérard, est-ce que je peux me glisser chez toi et continuer la discussion?

Accent Grave, votre commentaire m'a beaucoup aidée à réfléchir. Non pas que je me reconnaisse dans ces gens qui n'étaient pas conscients de la misère partout dans le monde avant ou qui croient avoir visité Cuba parce qu'ils ont acheté un séjour tout compris d'une semaine à Varadero ou pire encore, ceux qui sont obsédés par l'insécurité financière, les possessions matérielles et la consommation à outrance mais c'est précisément d'avoir vu, lu ou entendu les réactions de notre société québécoise à la suite du séisme en Haïti qui m'a donné la nausée à moi aussi, comme à notre hôte.

Gérard nous donne des exemples « des affaires qu'on entend de même... » et mes zoreilles ont été écorchées beaucoup aussi depuis une dizaine de jours. Ce qui me rentre dedans, c'est de réaliser que la société de bien nantis dans laquelle je vis, on dirait qu'elle a un fil de complètement débranché entre la tête et le coeur, que plusieurs n'ont même pas conscience d'une réalité autre que la leur, qui croient tout connaître à partir de leur p'tit nombril, etc.

Entre un enfant haïtien qui chante et qui sourit à travers les décombres et un du même âge ici qui manipule tous les adultes autour, qui est un puits sans fond d'égoïsme et d'individualisme, chacun est représentatif de son pays mais lequel des deux est le plus heureux?

« Face à tant de contrastes, tout perd son sens », vous l'avez dit.

En terminant, Gérard, pour l'anecdote, je suis allée au cinéma hier soir. C'était pas jojo non plus, j'aurais dû choisir une comédie légère! J'ai vu « Frères », un film avec des scènes tellement dures mais qui raconte une histoire actuelle et très réaliste.

Gérard Day a dit…

Accent Grave: Effectivement, il ne faut pas réduire ces différences à ce qui se passe actuellement à Haïti, ce serait grossier. Et oui, le bonheur et la définition qu'on en a varie grandement d'une culture à l'autre...

À titre d'exemple, actuellement l'opinion publique semble pencher vers le fait que la République Dominicaine située juste à côté va très bien et qu'on y vit grassement; pourtant, c'est tout le contraire. De très nombreuses familles des villes côtières y vivent entre autres de la prostitution des enfants. Le père est le souteneur et la famille "travaille"... Et des exemples de ce type, il y en a des centaines.

Ce qui se passe actuellement à Haïti permet peut-être de sensibiliser des gens qui ne l'étaient pas à ces situations, à cette misère qui existe à de nombreux endroits... À tout le moins, ça fera ça de pris. Ce qu est dommage, c'est que ça risque d'être très éphémère. Le danger est le retour à une normale de désintéressement et d'indifférence.

Ça fait de nombreuses décennies que les mouvements sociaux et la presque gauche réclament une meilleure répartition de la richesse planétaire; qu'ils réclament un retour aux valeurs de justice et d'égalité. Pendant ce temps pourtant, les fossés entre riches et pauvres ont continué à se creuser...

Cre qui n'est pas normal dans tout ça, c'est que la richesse se trouve dans les comptes d'une poignée de gens à l'échelle planétaire et que, pour nombre d'entre-nous, cette richesse monétaire, ce "bonheur" de la possession représente le but à atteindre, le nirvana de la réussite.

Ce qui me choque souvent, c'est la dérision dont font preuve certains envers les moins nantis, surtout ceux des pays tiers, surtout ceux qui sont de race noire. Eux, ces tribaux, ils peuvent bien manger du chat... C'est une attitude que je ne peux supporter. Cette attitude représente pourtant une grosse facette de la réalité des pays riches.

Je ne suis pas en train de dire qu'il faille, dans la situation actuelle, focaliser sur les yeux souriants des enfants haïtiens... Il faut cependant tout faire pour que le bonheur puisse se réinstaller dans ce peuple qui a tellement de difficulté à s'organiser... Et ça, ça ne peut se résumer à quelques semaines de sensationnalisme médiatique.

Et que dire des voyages "tout-inclus" à 1000$ la semaine dans des zones où tout n'est qu'un décor hôtellier. Les gens ne se donnent même pas la peine de sortir de leur "site" où le petit bracelet de plastique représente la réussite d'une vie... Pourtant, parfois à quelques centaines de mètres seulement, la vie est cahotique, la misère omniprésente. Elle est là la démesure.

Ici, comme ailleurs, les iniquités sont ce qu'on devrait combattre, mais on ne le fait pas. Depuis que le monde est monde, on se bat pour le pouvoir. Celui qui perd est coupable et celui qui gagne est roi. Mais bon, ce n'est pas ce matin que je changerai ça...

Anonyme a dit…

Je suis d’accord avec vous. La croyance veut que la République Dominicaine soit prospère, quelle éloquence! Allez parler de cela aux touristes qui ne distribuent leur argent qu’aux grands hôtels et qui jugent l’endroit selon la qualité du sable et des buffets!

Je tiens à traiter de choses exprimées au travail, à la télé. Devant l’homme ou l’enfant blessé, il y a celui qui pleure et celui qui reste stoïque. Nous pourrions traiter le second de «sans cœur». J’ai souvent constaté que ceux qui ne crient pas leur peine ou qui n’expriment pas leurs émotions avec ostentation sont ceux qui, en toute discrétion, après réflexion, offrent l’appui le plus généreux, le plus efficace. Je suis las des concours de la personne la plus émotionnelle et la plus compatissante. Celui qui ne pleure pas à chaudes larmes ne souffre pas moins.

Quant aux commentaires racistes qu’émettent certains individus tout à fait détachés, il s’agit d’ignorants, d’esprits bornés. Ça aussi c’est humain, faut pas leur en vouloir, ne nous attardons pas à eux.

Je ne suis pas en mesure d’affirmer ce que représente le bonheur des autres, (cette notion variant d’une société à l’autre, d’un individu à un autre) mais, je constate que les CONDITIONS environnantes (au sens large) influencent la qualité de vie. Cela nous mène vers «la richesse». Au Québec, bien que nous ne soyons pas la société la plus nantie, vous avez raison, nous réussissons à mettre l’accent sur du superficiel et la prétention est souvent au rendez-vous. Voilà un trait de notre société qui me déplaît tellement.

Et en parlant de richesse, à la suite des concerts bénéfices on me disait « j’ai l’impression que personne n’a idée de ce que coûterait une réelle reconstruction, il faudra des sommes inimaginables. Qui administrera ces sommes? Ce qui fut amassé c’était pour les crises alimentaire et médicale ponctuelles ». Pourrions-nous faire les choses correctement? À cet effet j’insère quelques passages du texte d’un concitoyen, il traitait de l’aide qu’il a tenté d’offrir en tant que coopérant:

« J’ai eu la chance de travailler au Burkina Faso, un des pays les plus pauvres du monde. La première émotion qui m’a envahi est la tristesse. Fidèle aux valeurs judéo-chrétiennes de partage et de bonté, spontanément j’ai donné 20$ à une mère monoparentale. Cette somme aurait pu servir à nourrir sa famille pour un mois. Le lendemain, celle-ci est venue exhiber les souliers de plastique rouges qu’elle s’était achetée. J’ai été horrifié.

Donner aveuglément à ceux qui ont faim, dans le but de contrer la pauvreté est cruellement illusoire. C’est une solution éphémère qui, dans de trop nombreuses occasions, entretient la pauvreté. Cela donne bonne conscience mais représente un des plus mauvais mécanismes pour l’éliminer.

J’ai alors décidé de réfléchir avec ma tête plutôt qu’avec mon cœur. La tristesse a cédé sa place à l’incompréhension. Pourquoi tant de richesses et tant de pauvretés? Plus près de nous, pourquoi certaines personnes réussissent tandis que d’autres échouent? La réponse m’est venue d’elle-même; parce que la nature est ainsi faite. Le principe de sélection naturelle s’applique aussi aux êtres humains mais ceux-ci peuvent CRÉER LEUR PROPRE ENVIRONNEMENT. Faisons de ce principe un membre de notre équipe. Le moyen le plus efficace de lutter contre la pauvreté et ses conséquences c’est de construire un environnement qui permet à un MAXIMUM d’individus de s’y adapter adéquatement. Une société INSTRUITE, en SANTÉ et qui se dote d’INSTITUTIONS, de PROGRAMMES et d’INFRASTRUCTURES qui permettent l’aide à l’adaptation AUGMENTE SES CHANCES de richesse. C’est vrai au niveau national autant que planétaire.

Malgré tout, il restera de la pauvreté. Il nous appartient de mettre nos efforts aux bonnes places afin de bâtir une société.»

C’est un condensé. Je m’excuse pour toutes ces lignes que j’impose à la section commentaires.

Accent Grave