mercredi 25 novembre 2009

Parce que c'est de là qu'on vient...


« …Levé toute la semaine avant le soleil, il trimait dur jusqu’à la brunante. Car sa ferme, composée d’une centaine d’arpents en culture, d’une vingtaine en forêt pour le chauffage d’hiver, ne lui laissait pas de répit. Grains, beurre, sucre d’érable, légumes, étoffe, flanelle, filasse, toile, chapeaux de paille, volailles, œufs, cuir, il entassait de tout dans sa charrette, le vendredi soir, pour le marché du samedi à Berthier. Il vendait beaucoup, achetait peu, mais en revanche, que de charges!

Dans la maison vivait son père, le vieil Antoine, avec Gotte son épouse. Puis ses enfants à lui, cinq garçons, quatre filles, plus un fils marié qui comptait déjà trois enfants. Dix-huit personnes s’approchaient à chaque repas de la table de hêtre longue comme une table de réfectoire. Les gros pains, les briques de lard blanc, les grands plats de pommes de terre, les terrinées de soupe et de lait caillé disparaissaient comme par enchantement. Rouet, cardes, métiers marchaient à l’année et s’usaient à vêtir tout ce monde.

Magdeleine, sa femme, l’aidait beaucoup. Dieu merci! Son domaine à lui, c’était la ferme. Il y cultivait tout à sa façon. De son côté, Magdeleine Douaire achetait et vendait, effectuait les transactions, dirigeait toute la famille sans résistance et sans opposition. Inconsciemment, ils s’étaient ainsi divisé les charges et s’ils se consultaient toujours ne s’en tenaient pas moins à leur tâche respective… »

Léo-Paul Desrosiers, Nord-Sud. Montréal, Les éditions du « Devoir », 1931, pages 28-29.

19 commentaires:

Dominique- L a dit…

Bonsoir Gérard,

Je viens de lire ton texte, je le trouve très beau. J'avais l'impression, en le parcourant, de voir cette grande famille évoluer.

Autrefois les gens travailaient dur, ne se plaignaient jamais, ils étaient heureux de s'asseoir et de se retrouver autour de la table.

Je crois que le bonheur c'est ça Gérard !

Merci de l'avoir si bien décrit.

Bonne soirée. À bientôt. Do

Guy Vandal a dit…

C'est drôle, je ne me fais jamais de publicité, mais je vois un lien entre ton billet et celui que j'ai publié ce matin. C'est peut-être le rhum...

Zoreilles a dit…

Moi aussi, je vois un lien : vous avez eu tous les deux un coup de coeur pour un auteur que vous avez voulu partager avec nous. Ça marche, je suis conquise, moi!

Gérard Day a dit…

Do: Les extraits choisis de certains auteurs moins connus sont parfois très parlant. Ainsi, pas besoin de réécrire ce qui est déjà bien écrit. Le Québec est riche de telles histoires et nous l'oublions trop souvent...

Guy: Je n'y avais pas songé, mais il y a effectivement un lien. J'y vais d'une hypothèse tout à fait farfelue: Est-ce que ça se pourrait que l'approche du temps des fêtes nous rapproche de nos racines???

Zoreilles: Je ne sais pas si c'est avec les auteurs que j'ai des coups de coeur ou avec des écrits. Il y a tellement à lire au Québec; tellement à lire sur notre passé.

En lisant sur le passé et sur la vie de nos aïeux, ça nous ground et, à mon avis, ça peut nous permettre d'éviter des dérapages.

Mais au Québec, malheureusement, notre devise est "J'oublis"...

Dominique- L a dit…

Depuis que je vis au Québec, j'ai découvert de talentueux auteurs québécois.

Cela fait 16 ans que je vis dans cette province francophone Gérard. ;-)

L'art est très développé au Québec, même les amateurs possèdent des dons artistiques incontestables, peintre, sculpteurs etc. Ils me surprennent toujours. Par ailleurs, le Québec a le mérite, le grand mérite, puisqu'il est entouré de provinces anglophones et des États Unis, de protéger la langue française. Je tire mon chapeau. Sincèrement.

PS. Merci de nous présenter des textes de cette qualité, dommage que cet espace ne soit pas plus populaire. Lorsque je lis des inepties de gens qui se classent dans la catégorie des poètes ou écrivains, je ris doucement, cela étant, je dois admettre que quelques textes sortent du lot. Très peu. Voilà pourquoi je n'écris pas de poèmes, je laisse ce soin aux Grands ! ;-)

Bonne soirée. Do

Claire a dit…

Je ne connaissais pas Léo-Paul Desrosiers.
C'est vrai, c'est un très beau texte.
Mais...pas sûre qu'à cette époque, les gens étaient plus heureux. Aie! 19 à table...

Mes grands-parents vivaient à la campagne et tiraient le diable par la queue avec 13 enfants ...Après avoir accouché du sixième, ma grand-mère est retournée vivre chez ses parents quelques temps, pour prendre un break et exiger de mon grand-père qu'il se trouve une job à la ville. On était dans les années '20 là!Faut le faire!

Remarque, dans ton texte, la Magdeleine...ça devait filer doux!
"...sans résistance et sans opposition."

S'cusez-là!

Gérard Day a dit…

Do: Oui... Je comprend. Mais le fait français en Amérique a ce mérite de poursuivre son évolution, même si parfois je trouve ça un peu triste... Mais bon. Il faut savoir se recroqueviller parfois...

Dis, si ce n'est pas indiscret, tu origines d'où?

Claire: Oui, "sans résistance et sans opposition". C'était ainsi; chacun sa place. Ce n'est pas très jojo pour ce qui est de la place de la femme, j'en conviens. Cependant, il est possible qu'à cette époque, ce patriarcat ait sauvé la culture... Une question que je me pose.

En ce sens, avouons que l'égalité des sexes n'est pas, non plus, de tout repos (et je ne parle pas que des hommes là!).

Desrosiers, comme bien d'autres, décrivait ce qu'il voyait et vivait. Certes était-il teinté dans son jugement de cette hiérarchie du temps. Soit. N'empêche que c'est de là qu'on vient tout de même...

Et pour ce qui est du bonheur, non, je ne crois pas qu'ils étaient plus heureux. Mais c'était ça, dans ce temps.

Les grandes tablées étaient perçues ainsi: comme une représentation de bonheur... On pourrait parler du clergé, mais ce n'était pas le propos de départ... On pourra toujours y revenir...

Guy Vandal a dit…

Est-ce que ça se pourrait que l'approche du temps des fêtes nous rapproche de nos racines???

Je n'aime pas le temps des fêtes, pas parce que je suis nostalgique, mais pour ce qu'il est devenu.

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Tout comme ma grande amie Claire qui est désormais exilée en Normandie et que je n'ai pas revue depuis plus de 40 ans (Ciel, que le temps passe vite!), je ne connaissais pas Léo-Paul Desrosiers et je te remercie, Gérard, de me l'avoir si bien présenté...

Et toujours comme Claire, mais de façon un peu différente, ma grand-mère paternelle était issue d'une famille de 15 enfants et ils tiraient le diable par la queue, eux aussi. Cependant, les histoires qu'elle me racontait étaient toujours des plus colorées et comprenaient tant de merveilleux moments que je me demande parfois si la vie d'autrefois, quoique plus difficile, était parsemée de petits bonheurs que nous ne connaissons pas ou que nous avons choisi d'oublier...

Barbe blanche a dit…

Je découvre l'auteur que tu présente Gérard et j'ai l'impression que l'auteur regardait par la fenêtre de la maison chez nous,ce qu'il raconte est en gros ce qui nous vivions lorsque j'était enfant, faut dire que je suis le seizième d'une famille de vingt enfants.
Anecdotr: la sage femme qui a accouché ma mère voulait me baptiser Louis.
Ben sur, Louis XVI guillotiner bel avenir qu'elle me proposait...

Dominique- L a dit…

Bonsoir Gérard,

En affirmant que les gens étaient plus heureux autrefois, j'entendais qu'ils se plaignaient beaucoup moins qu'aujourd'hui, Poutant ils ne disposaient pas de notre confort, ils travaillent dur pour y arriver, toutefois ils étaient heureux de se retrouver lors des veillées, de conter des histoires, de prendre le temps au temps. Leur bonheur était constitué d'une multitude de petites choses simples. Ils n'avaient pas d'ordinateurs mais ils ne s'ennuyaient jamais.

Au temps des fêtes il y avait souvent un violoneux pour les faire danser. Dis-moi si je me trompe Gilbert, c'est mon meilleur ami québécois qui me l'a raconté et tant d’autres choses que je ne me lasse pas d’écouter.

Pour répondre à ta question d’où je viens ? Hum ! Je me pose parfois la question. Mes parents et moi étions français, nous avons été chassés comme beaucoup d’autres, d’un pays en guerre civile, j’avais à peine 6 ans à l'époque mais je me souviens. Notre patrie étant la France, nous nous sommes retrouvés dans un pays que nous n’avions jamais vu.
Avant d’arriver au Québec j’habitais les Pays de la Loire.

Merci pour cet agréable moment passé chez toi. Bon week-end. Do

Gérard Day a dit…

Guy: Je ne parlais pas de l'amour des fêtes mais de ce quelque chose de spécial qui a tendance à faire que, intérieurement, c'est une période de souvenirs.

Dans mon cas, les ouvenirs ne sont pas tous joyeux et je n,aime pas les fêtes non plus. Mais je remarque qu'il y a beaucoup de textes sur les blogues, par les temps qui courent, qui sont empreints de souvenirs et d'histoires... Ce n'était qu'en feeling et je ne voulais pas provoquer une réaction allergique, bien au contraire.

Rosie: Le bonheur est souvent à deux pas mais on ne le voit pas parce qu'on cherche ailleurs...

C'est comme si le bonheur pouvait se trouver à l'extérieur de soi.

Je ne suis pas d'un type très "jojo" d'emblée. Plutôt réservé et passablement solitaire. Parfois, je ne me trouve pas heureux mais j'ai bien l'impression que je ne cherche pas la bonne chose au bon endroit...

Barbe blanche: WOW! Une famille de 20! Tu es à l'image du Québec des années 40-50...

Est-ce une chance? Je ne sais pas. Je suis issu d'une famille de 3 enfants et, dans mon petit cas, c'était bien suffisant.

Il y a un endroit profond, en moi, où j'envie pourtant toujours ces familles nombreuses et surtout, la vie en région éloignée dans ces années... Je ne sais pas trop pourquoi.

Comme j'en effleurais mot à Guy Vandal, c'est comme un parfum de racines...

Pour ce qui est de Louis, bin... T'aurais pas eu la chance d'avoir une barbe très blanche! Cependant, t'aurais peut-être été un Roi soleil! S'agit de choisir son numéro!

Claire a dit…

...l'approche du temps des Fêtes...

Je ne sais pas.Je ne sais pas de quoi je me rapproche, mais c'est bien et rassurant.
Et depuis toujours. Et ça continue.
Yessss! "Voici venu le temps des Fêtes..." (air connu)
Excitée comme une puce, je suis.
Voir les illuminations dans la nuit, acheter le sapin qui sent bon dans la voiture, emballer les cadeaux en cachette,regarder des films de Nowel, réléchir au repas de réveillon qu'on va préparer, se retrouver, rire aux éclats!
Comment ça se fait les gars que vous n'aimiez pas ça? Vous avez peut-être raison. Dites-moi...

...nous rapproche de nos racines...

Le doux parfum de nos racines?
La nostalgie, les souvenirs, les petits plaisirs d'autrefois? Oui,oui,oui...Profiter de toute cette richesse , se laisser porter par la vague et humer avec plaisir!


Plus le temps passe et plus j'essaie de respirer par le nez (c'est le cas de le dire). Les petits bonheurs du passé se revivent encore et toujours, invariablement. On en profite ou pas. Moi, je saute dessus, quand je peux!

Quant au vrai, gros, bonheur...c'est un vrai sujet de philo ça! Dur...Guy, il te reste du rhum?

Zoreilles a dit…

Ah comme il fait bon de discuter ici avec vous tous, je voudrais pouvoir vous écouter comme ça pendant des heures...

Barbe blanche qui dit : « On dirait que l'auteur regardait par la fenêtre de la maison chez nous », c'est tellement beau... Je crois que dans les grosses familles, le 16e de 20 a un don, un précieux don, celui d'émouvoir!

Gérard, notre hôte, qui écrit : « Comme si le bonheur pouvait se trouver à l'extérieur de soi » et voilà une très grande vérité qu'on ne peut que croire... et travailler là-dessus.

Claire, qu'on reconnaît aisément dans son propos, « Les petits bonheurs du passé se revivent encore et toujours, invariablement ».

Voilà pourquoi nous avons le goût, plusieurs d'entre nous, de replonger à l'intérieur de nos souvenirs ou de ce qui nous a rendu heureux. Bien sûr, on ressent un peu de nostalgie mais ce n'est pas triste du tout, au contraire.

Guy Vandal a dit…

Gérard: C'est vrai que ça parle pas mal de racines dans nos blogues de ce temps-là. On dirait une bonne conversation, profonde, intelligente, entre vieux copains.

Claire: Moi j'aime pas ça parce que j'ai travaillé dans des centres d'achat dans le temps des fêtes, j'ai vu la folie de certains, l'hypocrisie de d'autres. Je ne dis pas que c'est tout le monde mais...

Et pis oui, y me reste du rhum. Tiens, tournée générale. À la bonne nôtre!

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

J'adore le temps des fêtes... Bien qu'il sera plus difficile cette année sans maman...

Mais, tout comme Claire, je suis excitée comme une petite fille à l'approche de ce temps des retrouvailles, des chansons qui coloraient notre enfance, des rires qui se font à gorge déployée, de la bouffe qu'on prépare avec tant de soin et qu'on hume avec plaisir à travers toute la maison et surtout de l'amour qu'on partage autour d'une table ou ailleurs...

L'odeur du sapin qu'on décore, la joie de trouver LE cadeau qui fera plaisir, la chaleur qui se dégage de tout ce beau monde qui nous entoure...

Oui, j'adore le temps des fêtes et la douce folie qu'il apporte avec lui. Après tout, ne faut-il pas saisir toutes les occasions où le bonheur se présente?

Merci pour ta tournée de rhum, Guy! À mon tour de tous vous offrir un verre de ti-blanc! Et à la bonne nôtre de nouveau! :D

Claire a dit…

@ Guy

Si ce n'est qu'une banale et plate question de centre d'achats,rien n'est perdu.
Encore une p'tite shot de rhum avec nous, et c'est bon, l'esprit de Noël te gagne doucement...
Chut!...entends-tu les clochettes?

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Moi oui, Claire, je les entends... :-)

Dominique- L a dit…

Bonsoir en passant Gérard le solitaire. On a parfois besoin de choisir sa solitude, ça permet de prendre du recul, de se ressourcer, de se retrouver.

Bonne soirée.